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Haute école Charlemagne : « Un avenir à la clé »

De la création à nos jours : une longue histoire.

Comme pour l’autre école supérieure de notre quartier, précisons en préambule que l’histoire de l’HECh – encore appelée par beaucoup « l’Ecole Normale » ou « les Rivageois »- se confond à ses débuts avec celles de l’enseignement primaire et du secondaire qui y furent créés conjointement.

Si la loi organique de juin 1850 avait créé 10 athénées royaux et 50 écoles moyennes pour garçons, il fallut attendre le 31 décembre 1881 pour que fut votée la loi qui consacrait l’existence d’un enseignement secondaire du degré inférieur pour jeunes filles !

Pour répondre aux besoins en professeurs des 28 écoles ainsi créées, le législateur institua à Liège par A.R. du 7 juin 1879 une section spéciale destinée à la formation de régentes annexée à l’Ecole Normale Primaire fondée en 1874 ; les bâtiments étaient neufs, agréables, fonctionnels et l’on avait pris soin de préserver arbres et jardins. (1)

La création de l’Ecole Normale Moyenne de Liège marque un moment important dans l’histoire de l’enseignement en Belgique. En effet, le succès que connut l’école amena le Gouvernement à ouvrir d’autres écoles normales moyennes pour jeunes filles, notamment à Bruxelles (1881), Bruges (1820), etc.

Sur les photos retrouvées dans les archives, ces premières élèves apparaissent rigides et sévères, un peu tristes dans leur corsage noir et leur ample jupe ornée de fronces et de plis qui cachent leurs chevilles. Leurs cheveux sont uniformément tirés en arrière et resserrés en des chignons menus soigneusement roulés, repliés et épinglés. Ainsi, Mlle Frisché, professeur de biologie écrit : « Je me rappelle qu’à l’époque où je fréquentais l’Ecole Moyenne et l’Ecole Normale (1890-1900), le décolleté n’était pas permis, et les jupes traînantes étaient en vogue en dépit de tous les miasmes que soulevait le balayage des allées ».
La taille serrée, les manches longues et les bas tricotés à la main constituaient le complet exigé sous peine de renvoi pour « attitude indécente ».

Toutes ces jeunes filles étaient internes et les échos de leur vie de pensionnaire évoquent « déboires, épreuves, tristesses, heures de larmes dans la solitude, désespérance… ».
Au 19° siècle, l’idée d’imposer aux adolescents une discipline de caserne et de couvent était considérée comme une forme idéale d’éducation. Ainsi, en 1880, à Mme Meier qui sollicitait l’autorisation de recevoir la visite de sa petite-fille tous les 15 jours, la Directrice répond : « une fois par mois suffit, si Monsieur le Ministre le juge bon »; celui-ci donna son accord en précisant qu’il s’agissait là d’une mesure tout à fait exceptionnelle.

Pour éviter aux jeunes institutrices un contact trop fréquent avec l’extérieur, on construisit même en 1876, une chapelle dans l’enceinte de l’école. Elle fut détruite par un bombardement en 1944.

Et pour les éducateurs de l’époque soucieux avant tout d’efficacité et assez indifférents à la notion de fatigue, même les vacances et jours fériés étaient suspects.

Les étudiants d’aujourd’hui apprécieront… leur chance !

Quelques détails encore, étonnants, voire amusants rétrospectivement sur cette vie de l’internat.

Par exemple, l’infirmerie comprendra, entre autres, un cabinet pour le médecin, avec tisannerie.
Le bâtiment comprendra outre les dortoirs, 8 chambres pour les domestiques, des parloirs, une salle pour le nettoyage des chaussures, 20 baquets sur sol cimenté pour les bains de pieds et 16 baignoires pour ce que l’on appelait pudiquement les « bains de propreté ».

Quant au régime alimentaire, il prévoyait un minimum de 1.100 g. de pain par jour et chose assez surprenante ½ litre de bière à chaque repas, sauf au déjeuner.

Mais revenons aux programmes proposés à l’origine de cette nouvelle Ecole Normale Moyenne.

En premier lieu, elle ne compte que trois divisions : littéraire, scientifique et langues germaniques, les cours de la 1ère année étant communs aux trois orientations, soit 16 disciplines différentes tant littéraires que scientifiques. Il faudra attendre 1952 pour que s’y ajoute la section éducation physique et l’année 1959 pour voir naître la section sciences & géographie. Remarquons qu’en attendant l’ouverture de l’E.N.M. à Gand, on forme à Liège des régentes capables d’enseigner dans les écoles moyennes flamandes.
La durée des études initialement de 2 ans sera portée à 3 de 1912 à 1958 puis ramenée à 2 ans.

Un examen d’entrée assez redoutable trie sur le volet les futures candidates et ce, jusqu’en 1949. Sa suppression provoquera une multiplication des vocations…
Il était doublé d’un examen médical organisé par deux médecins qui devaient garantir la bonne condition physique de ces jeunes élèves.

Petite remarque  au niveau des cours enseignés : l’économie politique et les notions de droit public prévues au programme des ENM pour garçons sont remplacées pour les filles par des leçons d’économie domestique et d’hygiène !

Signalons aussi qu’à l’époque les frais d’inscription aux examens sont loin d’être négligeables.

En 1914, l’école ferme ses portes à l’heure où l’artillerie allemande commence à bombarder les forts de Liège. Elle rouvre en février 1915 et en 1917 accueille les blessés belges et français dans les dortoirs demeurés vides. Quatre sœurs hospitalières de l’Hôpital militaire de Saint Laurent y côtoyèrent professeurs et élèves pendant toute une année.

1921 est une année faste qui voit l’inauguration d’une section normale gardienne.

Mais 1926 commence mal. Le 1er janvier vers 2 h. du matin, l’eau, dans la rue des Rivageois, jaillit en trombe des bouches d’égouts, inonde la rue, les caves, les rez-de-chaussée.

Puis 1940 voit se répéter 1914. En mai, juin et août, l’Ecole est touchée par les bombes alliées et entre novembre et décembre par les robots allemands. 9 morts sont à déplorer. Deux ailes de l’école ne sont plus que décombres.

Mais l’année 1940 est aussi marquée par cet élément capital que constitue l’arrivée de jeunes gens, une mixité imposée en ces temps de guerre, dans une Belgique contrôlée par la gestapo, pour leur éviter le voyage non dépourvu de danger vers l’E.N.M. de Nivelles.

En 1950, l’Ecole Moyenne d’Application remplace un 4°degré languissant.

La population scolaire ne cesse d’augmenter et bientôt compte 2000 élèves dans un établissement groupant 3 sections normales avec leurs 3 écoles d’application et leur internat.

En 1963, des directions distinctes sont désignées et en 1976, le Ministère procède enfin à une nouvelle répartition. On installe le Secondaire au n°2 sous la direction de M. le Préfet Frankart et toutes les sections normales au n°6 sous la Direction de M. Lefèbvre dont la tâche n’est pas simplifiée pour autant. En effet l’Ecole d’application se trouvant sous une autre direction, malgré la bonne volonté de part et d’autre du vieux hêtre, il s’avère difficile d’harmoniser les tâches d’enseignement, de rapprocher des professeurs évoluant désormais dans des sphères différentes.

En 1977, une section « éducateurs » s’ajoute aux sections normales existantes.

En ce qui concerne le corps professoral, notons que s’il ne comptait que 12 personnes en 1879 – des hommes majoritairement-, en 1979, il en compte 80 et les femmes dominent dans une proportion de 65%. Cette prédominance des femmes est sans doute imputable au fait que cette école était initialement destinée aux filles et qu’en l’espace de ces 100 premières années, elle a connu 10 chefs d’établissement dont 8 étaient des femmes ! Depuis, leur succession semble équilibrée.
D’ailleurs, l’année scolaire passée a vu nommer à la tête de la Haute Ecole, Monsieur Giovanni Sutera qui succède ainsi, en tant que Président-Directeur, à Madame Corine Matillard.

1984 : la formation des normaliens passe de 2 à 3 ans avec, au cours de la 3° anné, un accent mis sur les stages.

1985 : le vénérable hêtre pourpre qui trônait dans la cour en bordure de la rue des Rivageois est atteint d’une maladie mortelle et présente un danger pour les petits élèves de l’école gardienne dont la cour de récréation est située sous ses branches. Il sera abattu le 14 juin mais la même année, à la Sainte Catherine, un nouveau hêtre est planté au même endroit.

Le 22 juin 1985 les nouveaux bâtiments, quai de Rome sont inaugurés. L’Ecole Normale et l’Athénée se partageront désormais une partie des infrastructures.
La suite du programme supposait la démolition des anciens bâtiments mais depuis, l’enseignement est entré dans une période de vaches maigres et les constructions arrêtées, on rénove tant bien que mal les anciens locaux !

1987 marque un grand tournant : les études pédagogiques ne sont plus en honneur de sainteté ; restrictions et manque d’emploi dans l’enseignement n’y engagent guère. La direction décide d’ouvrir une nouvelle section : le graduat en tourisme et animation des loisirs. Les Rivageois cessent d’être uniquement une école normale pour s’ouvrir au monde économique. Gros succès : à la rentrée, 300 étudiants sont partants.
Cette orientation se verra renforcée encore avec l’ouverture en 1999 du graduat en transport et logistique d’entreprise.

En 1995, une autre page se tourne ; l’école maternelle et primaire d’application ferme ses portes.

En 1996, à la suite du décret instituant les hautes écoles, les Rivageois fusionnent avec les sections économiques et pédagogiques de Huy-Verviers et l’agronomique de Huy-Gembloux pour former l’entité qui prendra officiellement le nom de Haute Ecole Charlemagne en 1999.

2004 : une nouvelle section pour former des bacheliers en immobilier.

Et, aujourd’hui, le site des Rivageois accueille près de 1600 étudiants dans sa catégorie pédagogique et 700 dans ses sections économiques.

(1) Des règles précises fixent en 1880 la construction des Ecoles Normales. On recommandait une étendue de terrain en rapport avec le nombre d’élèves (100 m2 par élève). Ecole Normale et Lycée ayant une étendue de 17 000 m2, l’établissement pouvait donc accueillir 170 élèves (hum !). Autre principe énoncé alors : l’Ecole Normale devra être aussi éloignée que possible de toute construction de manière que les leçons ne puissent être troublées par les bruits du dehors. Une douce illusion que le XX° siècle se chargera de détruire.
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